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Jardins d’enfants : La menace de la désobéissance fiscale plane

Nabiha Kammoun appelle le gouvernement à «ne pas laisser tomber» le secteur des jardins d’enfants et des crèches qui traverse, à l’instar de tous les secteurs, une grave crise économique et financière, en raison du confinement sanitaire et de la fermeture des établissements éducatifs…

Le secteur des jardins d’enfants et des crèches est l’un des secteurs qui n’a pas reçu les renforts escomptés lors de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Même après le déconfinement, ce secteur n’a pas su s’organiser et plusieurs établissements risquent de fermer leurs portes l’année scolaire prochaine. Des fermetures dues essentiellement aux difficultés économiques et financières rencontrées par les propriétaires de ces établissements privés des enfants, à cause de la pandémie du Coronavirus, mais aussi à cause de la négligence de l’Etat. Ce constat qui semble être une réalité endémique a suscité la colère des professionnels du secteur qui menacent de hausser le ton si les autorités concernées ne prennent pas leurs responsabilités. C’est ce qu’a affirmé la présidente de la Chambre nationale des jardins d’enfants et des crèches, Nabiha Kammoun, à La Presse.

Des revendications urgentes

Mme Kammoun a indiqué que, dans ce contexte particulier, la Chambre nationale des jardins d’enfants et des crèches a cinq revendications urgentes. Les professionnels du secteur estiment que l’application de la TVA avec un taux de 7% n’est pas compatible avec leurs activités et souhaitent sa réduction à 0%. Ils appellent aussi à l’exonération d’impôt sur les bénéfices pendant une période bien déterminée (deux ou trois ans après le lancement du projet) pour pouvoir poursuivre leurs activités. La troisième revendication porte sur une exonération de la charge patronale auprès de la Cnss (Caisse nationale de sécurité sociale), pour une période de 2 ou 3 ans, pour soutenir les crèches et jardins d’enfants, en cette période exceptionnelle. Cela sans oublier le report du remboursement des prêts accordés par la Banque tunisienne de solidarité (BTS) jusqu’à ce que l’institution se rétablisse. Finalement, la Chambre appelle à accélérer le versement de l’aide exceptionnelle de 200 dinars qui devrait être accordée aux employés au titre de chômage technique via les deux plateformes www.Batinda.gov.tn ou https://helpentreprise.social.tn.

« Les jardins d’enfants et les garderies concernés ont soumis une demande sur les plateformes ‘’Batinda’’  — patente —  et ‘’Help entreprise’’, qui a  pour objectif de centraliser la procédure de demande des aides exceptionnelles, en application des mesures exceptionnelles prises dans le cadre du confinement lié à la crise sanitaire du coronavirus et ceci pour le compte des personnes exerçant pour leur propre compte. Mais malheureusement, on constate toujours un ralentissement de l’étude des demandes de subvention qui seront affectées à ces institutions… On ne comprend pas où se situe le blocage ; est-ce au niveau de la Cnss ou au niveau du ministère des Affaires sociales ? Ce n’est pas encore clair. Mais ce qui est sûr, c’est que nous, les professionnels du secteur, sommes en train de payer la facture de ce blocage et de la complexité des procédures administratives qui manquent aussi de transparence », a expliqué Mme Kammoun.

Vers la non-ouverture des établissements…

Mme Kammoun a ajouté que l’Etat doit fournir urgemment aux jardins d’enfants et crèches les aides nécessaires afin de leur permettre de survivre, sinon ces établissements risquent de fermer leurs portes l’année scolaire prochaine (2020-2021). «Plusieurs établissements ont mis en vente leur matériel pour pouvoir payer les dettes accumulées suite aux frais de loyer, au paiement du personnel, à l’impôt sur les bénéfices…Mais si ces établissements venaient à fermer, l’Etat devrait en payer le prix en accueillant tous les enfants de ces établissements dans les jardins d’enfants publics, qui sont en nombre insuffisant, (10% à peu près du nombre total des établissements préscolaires) », a-t-elle expliqué.

C’est pour toutes ces raisons et autres que le gouvernement ne doit pas laisser tomber le secteur privé des jardins d’enfants et des crèches, sous le coup de la crise économique et financière actuelle, due à la crise sanitaire provoquée par la propagation du coronavirus. « La Chambre syndicale des jardins d’enfants et des crèches ne compte pas rester les bras croisés et menace de recourir à la désobéissance fiscale et de ne pas reprendre l’année scolaire 2020-2021, si la présidence du gouvernement ne répond pas favorablement à ses revendications», a-t-elle souligné.

Le flou demeure

Pour sa part, Amal Bechikh, propriétaire d’un jardin d’enfants privé, a indiqué que le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées s’est engagé depuis la propagation de la pandémie liée au coronavirus à stériliser ces institutions et à fournir des masques qui assureront la sécurité des enfants et le cadre éducatif dans ce secteur. Mais sur le terrain, rien de concret et aucune amélioration ou aide n’a été consentie. « Nous sommes seuls dans ce combat et le flou demeure sur la stratégie du ministère face à cette crise », a-t-elle regretté.

Elle a ajouté que la crise du coronavirus devrait être l’occasion d’aider et de participer activement à la mise en place des actions correctrices pour rendre à ce secteur sa grandeur et la place qu’il mérite. « Depuis un certain temps, les professionnels du secteur souhaitent la fixation d’un tarif minimum pour garantir le niveau de qualité des prestations des jardins d’enfants. Ils plaident aussi pour l’organisation de cycles de formation pour les animateurs. Il est également plus que jamais temps de renforcer le contrôle et le suivi continus de la situation de l’enfance tunisienne pour limiter la propagation du nombre d’espaces anarchiques qui accueillent illégalement les enfants… Mais sur le terrain, les choses ne sont pas aussi simples. Depuis des années, nous sommes toujours dans la même situation, et nous avons l’impression que personne ne se soucie de nous à l’heure où les jardins d’enfants privés jouent un rôle important dans l’entourage de l’enfant dès les premières années de son enfance », a-t-elle expliqué.

Sur un autre plan, Mme Bechikh a affirmé qu’avec un nombre très restreint et insuffisant de jardins d’enfants publics, la seule alternative pour répondre aux besoins actuels de la famille, que l’Etat ne peut pas assumer, reste l’espace privé. Mais cette politique n’est pas sans risque, puisque on constate, tous les jours, des dépassements importants dans plusieurs établissements préscolaires. « Cette crise sanitaire du coronavirus devrait être l’occasion pour renforcer le contrôle, appliquer la loi et lutter efficacement contre la prolifération des espaces anarchiques… Malheureusement, la donne est renversée et ces espaces anarchiques se mettent à violer la loi et continuent à profiter de cette situation. De l’autre côté, les jardins d’enfants organisés restent impuissants face à un dérapage intolérable et dangereux qui va coûter cher car l’enjeu est de taille, surtout qu’il s’agit de former et prendre soin des enfants », a-t-elle souligné.

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